Prologue

Son sort se joua à l’instant précis où elle décrocha le communicateur. Un mélange de plaisir et d’excitation la submergea tandis qu’elle abandonnait tout projet d’une soirée tranquille à la maison. Le geste gracieux et efficace, elle s’habilla rapidement et rassembla ses affaires.

Elle traversa son appartement en commandant la baisse des éclairages, puis revint brancher le petit chaton droïde, cadeau de son amant.

Elle l’avait baptisé Sachmo.

Il miaula, cligna des yeux et se roula en boule. Elle le gratifia d’une caresse affectueuse.

— Je reviens bientôt, murmura-t-elle, sans se douter qu’elle ne tiendrait pas sa promesse.

Tout en ouvrant la porte, elle jeta un dernier coup d’œil derrière elle, sourit à la vue du somptueux bouquet de roses sur le guéridon près de la fenêtre donnant sur la rue. Et eut une pensée pour Li.

Elle ferma à clé derrière elle pour la toute dernière fois.

Par habitude, elle emprunta l’escalier. Mince et athlétique, les yeux bleu foncé, elle avait un joli visage encadré de cheveux blonds qui lui frôlaient les épaules. À trente-trois ans, elle était heureuse de vivre et d’explorer les méandres de l’amour avec un homme qui la comblait de fleurs et de présents.

New York, cette vie, ce soupirant ouvraient un nouveau chapitre qu’elle se contentait de découvrir page après page.

Elle oublia momentanément son bonheur pour se concentrer sur le présent. Moins de dix minutes après l’appel, elle abordait au pas de course la troisième volée de marches.

Un instant lui suffit pour enregistrer le mouvement de son agresseur quand celui-ci surgit devant elle. Elle eut même le temps de le reconnaître. Mais pas assez... pas tout à fait assez pour lui parler avant de s’affaisser.

Elle reprit connaissance dans un sursaut, sentit des odeurs de peau brûlée et de sang, émergea des ténèbres dans la lumière. Le stunner l’avait paralysée, mais son esprit restait lucide. Prisonnière de la carcasse de son corps, elle lutta. Elle plongea le regard dans celui de son tueur. Un regard ami.

— Pourquoi ?

La question était à peine audible, mais elle se devait d’être posée. Il y avait forcément une réponse. Il y avait toujours une réponse.

Elle l’obtint en rendant son dernier souffle dans un sous-sol, cinq étages sous son bel appartement où les roses rouges s’épanouissaient et où un chaton dormait en ronronnant.